Je suis devenu le frère des dragons, et le compagnon des hiboux. Ma peau est devenue noire sur moi, et mes os sont desséchés par l’ardeur qui me consume. — Job 30:29-30
Dans un sanctuaire secret en Afrique, caché du reste du monde par les technologies informatiques les plus avancées, un pacte a été conclu entre des êtres de grand pouvoir et de grande influence.
Leonardo est tranquillement assis, entouré de ses précieux objets de collection, satisfait de ne pas avoir eu à les vendre pour assurer son projet maintenant que Renraku lui fourni des milliards de nuyens pour quelques misérables échantillons1 de la technologie à sa disposition. La pièce est faite des matériaux naturels les plus luxueux.
De l’autre coté de la table où il est assis, son invitée fini d’examiner des diagrammes et croquis. Elle est un régal pour ses yeux d’artistes. Son apparence est des plus classiques, avec un long nez et un visage tout en angles et surfaces, ses cheveux auburn cascadant sur ses épaules.
La femme lui demande des détails sur son projet, son avancement, puis donne son accord sur leur alliance en expliquant qu’ils sont rares ceux comme eux qui veulent aider les autres. Hestaby explique ensuite qu’elle doit partir, elle n’aime pas laisser ses terres trop longtemps sans surveillances avec les elfes de Tir Tairngire si près, et propose qu’ensuite ils ne se rencontrent que par la Matrice. Leonardo lui dit que lui aussi, lui assure que cette fois la communication sera sure grâce à lui, elle soupçonne qu’il est à l’origine de la dernière fuite mais il rétorque que ce sont sûrement les otakus. Il fait raccompagner Hestaby par son serviteur, puis se met à boire un peu de vin et à réfléchir à Renraku, à son projet2.
Puis, une forme apparaît dans un coin de la pièce, une ombre.
« Qui est-tu ? » demande Leonardo. Il y avait bien peu d’êtres dans le monde capables d’entrer dans son sanctuaire personnel ainsi et il commença à passer leur liste en revue.
« Pourquoi, Leonardo ? » dit la silhouette avec une voix profonde. « Pourquoi as tu tourné le dos aux traditions et objectifs de ton peuple3 pour accomplir cette folie ? Pourquoi t’es tu embringué dans des affaires dont tu aurais mieux fait de resté éloigné ? »
« Je savais que ce jour viendrait, » dit Leonardo. « Cela doit être ceux qui protestent contre mes plans. J’ai uniquement fais ce qui était nécessaire. Ils vont venir. Ils viennent toujours, et nous ne pouvons rien faire pour les arrêter. C’est un cycle de la nature elle-même. Quand ils seront là, le monde sera détruit et tout ce qui a été lentement construit millénaire après millénaire sera dispersé, détruit comme la poussière que l’on balaie. Toute vie sera dévorée pour nourrir leur insatiable faim, ou sera déformé, torturé pour créer de nouvelles formes de douleurs pour satisfaire leurs désirs. » Sa voix tremblait tandis qu’il se rappelait ces tortures déjà infligées à un monde qu’il connaissait autrefois, un monde disparu il y a longtemps.
L’ombre ne semblait absolument pas émue par sa tirade. « Tu es allé trop loin. Tu as bien trop révélé. Ta passion pour De Vinci s’est transformée en obsession maladive. »
« Non ! » Leonardo cria. « DaVinci était brillant et a plus accomplie en une vie de mortel que d’autres en des milliers de générations. Ce n’est que justice de reconnaître une vie si éclatante quand d’autres ne la considèrent que comme une autre simple et brève vie parmi tant d’autres. »
« J’aurais peut-être pu pardonner tes diverses… excentricités, Leonardo. Ta comédie de sauveur4 de l’humanité, tes illusions de grandeur artistique, ton caractère difficile, et ta rancune5 contre une religion que tu considères corrompue. J’ai toléré tout cela de par le passé. Mais tu as interféré avec moi, et cela je ne peux pardonner. »
« Pardonner ? » dit Leonardo. « Qu’ai-je besoin de ton pardon ? Je suis le maître ici. Tu ne peux rien contre moi ! » Il s’arrêta quelques instants et se mit à sourire. « Es-tu venu par toi-même, ou t’as-t-on envoyé pour me tuer ? Qui était-ce ? Aithne ? Lugh ? Aucune importance. Tu peux croire en leurs rêves d’une nouvelle nation elfique et jouer à construire un empire autant que tu voudras. Tu n’as aucune chance de surpasser les ressources dont je dispose ici. Ceci est mon lieu de pouvoir. Présentes-toi devant moi avant que je te voie périr. »
L’intrus se rapprocha et Leonardo se prépara à une attaque qui ne vint pas. La silhouette se mit simplement à rire. « Les Princes de Tir Tairngire ne me commandent pas. C’est moi qui les dirige. Encore et toujours dois-je agir pour garder mes turbulents enfants par devers moi6. » La silhouette mit de coté le voile d’ombre pour révéler l’apparence d’un homme avec de pâles yeux dorés et une longue et blanche chevelure ramenés en arrière pour exposer un front haut sous lequel se présentait une visage que l’on aurait dit taillé dans la pierre. Des traits que Leonardo connaissait bien, et leur nom s’échappa de ses lèvres en un murmure au moment même où il traversait son esprit.
« Lofwyr… »
« Oui, Lofwyr. Mais je ne suis pas apparu ici pour te tuer, petit elfe » continua le grand dragon. « Nous ne frappons pas tous avec griffes et dents, Leonardo, et le poison de ma race est encore le plus puissant qui existe ».
Leonardo sentit un froid terrible envahir ses membres, qui commençaient à trembler aux mots du dragon. Il baissa les yeux sur son verre d’alamestra, encore entre ses doigts et le jeta en hurlant un cri de rage vers Lofwyr. Le verre éclata dans les airs avant même de toucher la majestueuse forme, formant un arc un ciel de liqueur sur le sol. Lofwyr n’avait pas bougé.
Leonardo essaya d’invoquer7 ses pouvoirs magiques pour le sauver, pour frapper son ennemi, pour appeler à l’aide, mais rien ne vint. Aucune puissance ne s’écoula à son commandement. Aucune magie ne vint pour terrasser l’arrogant seigneur dragon. Son visage de pierre laissa seulement échapper un léger sourire devant ses efforts.
« Salai, » croassa Leonardo tandis que se resserrait sa gorge. Son système de communication si sophistiqué, le plus avancé au monde échoua à transmettre son appel et le poison magique continuait à lui dérober toutes ses capacités, l’autorisant seulement à regarder avec horreur la créature qui avait réussi l’impensable : terrasser Leonardo au milieu de sa propre forteresse.
Les yeux reptiliens de Lofwyr étaient calmes et froids tandis que Leonardo tombait à genoux en haletant de douleur. « Tu as toujours été un de mes préférés, Leonardo. Je prenais plaisir à ton ingéniosité et à ton imagination autrefois, mais tu t’es élevé au dessus de ta condition8. Comme beaucoup d’entre vous. D’autres ont toléré ces démonstrations de rébellion, et j’ai fais selon leurs souhaits, jusqu’ici9. Tes petits jeux ont fait intrusion sur les opérations de Saeder-Krupp, ma société. Je suis Lofwyr, et mes plans n’ont pas à être trifouillés par quiconque de ta condition10.
« Le vol de l’ogive fut ta première erreur. Tu as été idiot d’imaginer que je ne remarquerais pas le vol d’une arme nucléaire. Que tu ne voulais que la peindre avec le Sceau Papal et convaincre une bande de pouilleux11 d’une conspiration imaginaire, cela ne compte pas. Comme si l’Église Catholique menait ses batailles avec des armes nucléaires et non pas des mots et des idées. J’étais presque près à fermer les yeux sur cette sottise. »
« Mais ta seconde erreur fut de traiter avec Renraku, et t’immiscer dans mon jeu. J’ai été forcé de faire quelques efforts pour corriger le … déséquilibre que ton interférence a causé. On sent déjà ses effets se répercuter. Les trompettes des batailles sonnent déjà et je vais devoir perdre un temps précieux pour protéger ce que j’ai construit de la destruction. Je suis extrêmement déçu12. »
Le seigneur dragon se détourna de l’elfe et glissa à travers la pièce jusqu’à l’antique bureau. Étendu sur le sol, paralysé, Leonardo entendit seulement le doux tapotement de doigts sur la surface du bureau, couvert d’un polymère sensitif conçu par Leonardo, un lien direct vers l’ordinateur du sanctuaire. Il y eu un carillon d’acceptation de la part du système, et Lofwyr tapa sur l’espace de travail une fois de plus, lançant un signal à travers le système de communication de la forteresse secrète de Leonardo.
« Tes leçons en matière d’humilité ont commencé, apprenti » dit Lofwyr. « J’espère que toi et tes semblables apprendront les périls qu’il y a à défier vos supérieurs13 cette fois. »
Sans un mot de plus, Lofwyr tourna et se fondit dans les ombres de la pièce. Leonardo entendit le bruissement lointain d’ailes de cuir tandis que Lofwyr prenait sa forme véritable, puis le rugissement des flammes tandis que le dragon commençait à détruire le quartier général secret de l’elfe et les réserves de technologie et de connaissance cachées ici. Toutes les merveilleuses pièces d’arts et percées qu’il avait créé furent réduites en cendres, tout sauf ce que Lofwyr décida de garder pour lui-même. Le Grand Œuvre14 ne sera jamais accompli et l’humanité sera damnée par l’arrogance d’un dragon.
Tandis que la lumière dans la pièce disparaissait doucement, Leonardo regarda droit dans l’œil d’une des caméras de sécurités dissimulées et cru y voir quelqu’un, ou quelque chose le regarder en retour juste avant que la lumière du moniteur ne s’éteint en clignotant et que le monde de Leonardo ne fondit au noir.
1 scaps and crumbs
2 Ajout : The great Shelter would be prepared for the coming of the Ennemy, and the best and the brightest of metahumanity would survive, with Leonardo at their savior. He would even have the pleasure of making an alliance with and old ennemy to further his cause
3 traditions and purpose of your people
4 your playing at savior with humanity
5 grudge
6 my foolish children under control
7 call upon
8 I enjoyed your wit and imagination once, but you have gotten above yourself
9 Others have tolerated this show of rebellion and I have gone along with their wishes, but only so far
10 my plans are not to be tampered with by such as you
11 ragtag band
12 most disappointed
13 learn the perils of defying your betters
14 great work
J’ai traduis ce texte car il fini un « loose-end » important du métaplot Leonardo, et montre aussi parfaitement les relations de puissance qu’il y a entre les elfes « doués » et les grands dragons, résolvant ainsi un débat récurrent sur divers forums. Il démontre aussi que ce n’est pas parce que quelque chose (en l’occurence ici la soit-disante conspiration du Vatican, décrite à la fin du roman La Madonne Noire) est écrit noir sur blanc qu’il faut toujours le prendre au pied de la lettre… les auteurs de Shadowrun sont des professionnels payés pour nous faire parfois prendre des vessies pour des lanternes.
Document créé à l’origine par Steve Kenson en 1998 et publié sur shadowrun.fr le vendredi 22 avril 2005 par Jérémie Bouillon.
Article mis à disposition sous licence Copyright Steve Kenson et ROC.