À 40 mètres de là, un jeune homme franchit le coin de la rue en trébuchant. Arrivé sur la chaussée opposée, ses jambes le trahissent. Il tombe sur le trottoir et semble avoir du mal à se relever. Il est trop loin et la rue est trop mal éclairée pour qu’il soit possible de se faire une idée exacte de son état. Un étrange bruit sort de sa bouche, un claquement sourd qui ressemble à des dents s’entrechoquant. Doug croise le regard du supplicié et par un effort de volonté réussi à lui tourner le dos. Une curiosité malsaine et ce bruit absurde ont toutefois raison de sa bonne résolution à suivre le premier commandement : tu ne t’impliqueras point dans le malheur d’autrui. Doug se retourne donc et aperçoit une marée de rats rampant dans la direction de l’homme. Contrôlant à peine ses réactions, l’homme tente une nouvelle fois de se relever avec maladresse. La nuée est constituée de rongeurs aux formes diverses. Certaines créatures ont six voire huit paires de pattes, d’autres présentent une gueule pourvue de mandibules, d’autres enfin atteignent la taille d’un chien. L’homme tombe une ultime fois submergé par la marée. Ses cries couvrent une sorte de sifflement. Au début, Doug avait pensé que c’étaient les cries des rats. Ça ressemble plus au son produit par un instrument à vent, une flutte peut être. La masse se tourne vers Doug ne ralentissant nullement son allure. Il tire plusieurs coups de feu avant de fuir à toute jambe pour se perdre dans le labyrinthe de croisements et de culs de sacs qui constituent cette ville.
Le bar est particulièrement tranquille. Beaucoup trop calme pour être totalement honnête. Dans un coin reculé, une ombre boit verre sur verre. La porte s’ouvre cognant une antique clochette. Le barman, un humain, essuie une choppe sèche depuis longtemps déjà. Ce simple geste l’aide à réfléchir comme si ce mouvement journalier pouvait le rassurer. Il ne dit rien. Cela ne le concerne pas. Il se retire, sûrement pour essuyer de son torchon crasseux une autre choppe. Dans l’embrasure de la porte, trois trolls balayent la salle du regard. L’un s’approche du comptoir, les deux autres se dirigent vers l’ombre, seule au fond du bar et s’assoient à sa table. Ils ne bougent pas. L’homme a un verre dans la main et bien plus dans l’estomac. Pourtant, même saoul, il comprend le message et prend ses jambes à son cou. Les trolls attendent.
La clochette finit par tinter à nouveau dévoilant un ork aux traits tirés par la fatigue. À ses côtés, une chamane urbaine elfe, une fille qui doit avoir à peine onze ans et un homme de haute taille. Une hésitation saisit de concert les quatre nouveaux arrivants. Leurs mains aussi rapides que le flux d’adrénaline se portent à leur holster. Se sont-ils faits piéger? En quelques secondes, la situation est analysée, réévaluée et leurs muscles se détendent. Ils entrent. La tension est palpable pourtant le troll assis au bar prend le temps de taper sur son commlink. La jeune fille intercepte la communication et le lit à voix haute :
« Les runners sont là, la zone est sécurisée … C’est un message codé avec un vieux code d’Ares. Notre M. Johnson doit être de la vieille école. »
Les quatre runners attendent debout, immobiles au milieu de la salle. L’ombre d’un vieil homme finit par se dessiner dans l’embrasure de la porte. Bien que d’origine japonaise, l’homme est grand. Appuyé sur une canne ouvragée, il se tient droit, sec comme une trique. La chair de son cou est flasque, signe d’une personne qui a perdu une quantité substantielle de graisse. L’homme est sûrement malade. L’affaire doit être importante pour que la corporation sorte cet homme de sa retraite. Spaw, l’ork, a déjà entendu des bruits sur cette âme damnée d’Ares Macrotechnology. Ce Johnson aurait passé toute sa carrière à louer les services des meilleurs runners pour le compte de cette corporation uniquement. Spaw se surprend à penser à la jeune Frankl. Il l’admire. Encore une fois, la technomancienne a cerné la situation en quelques secondes sans commettre la moindre erreur. Le Johnson se dirige vers une table, époussette une chaise d’un revers de la main puis s’assoit. Il commence les hostilités avec sa voies guindée sans le moindre accent :
« Si vous voulez un conseil, il est regrettable pour des runners de votre envergure de prendre des habitudes comme celle de venir dans ce bar. Néanmoins, nous ne sommes pas là pour ça. J’ai besoin de faire appel aux quatre fantastiques pour réaliser une mission des plus difficile. »
Jo Frankl est déjà en train de lire les fichiers correspondant aux quatre fantastiques, une antique bande dessinée datant du siècle dernier.
« Quand j’étais jeune, je haïssais les comics. Ils exaltaient le patriotisme américain et dénigraient les étrangers moins forts et moins vertueux que les américains. J’ai toujours préféré les mangas qui faisaient preuves de plus de subtilité et arboraient un graphisme à la fois plus épuré mais mieux maîtrisé. D’ailleurs, l’histoire m’a donné raison puisque, désormais, les comics sont dans des musés et les manga continuent à se télécharger. Néanmoins, je dois admettre que les quatre fantastiques avaient un charme particulier. Ces quatre personnes avaient chacun un pouvoir en rapport avec un des quatre éléments décrits par Arsitote dans l’antiquité. La Torche possédait le feu, tout comme vous Estrée. Vous parlez, en effet, aux esprits du feu comme personne. Vous, Monsieur Spaw, vous êtes l’équivalent de la Chose qui tirait son pouvoir de la terre. Votre force est trempée dans le même acier que votre volonté. Vous, Monsieur Dâr, vous avez grandi dans un cirque en tant que contorsionniste. Vous êtes un professionnel de l’évasion, de l’infiltration et du déguisement. Personne ne peut vraiment vous saisir aussi bien physiquement que psychologiquement. Un peu comme l’homme élastique, vous êtes la partie liquide du groupe. Enfin, l’air était représenté par la femme invisible. Invisible, n’est-ce pas votre surnom Mlle Joséphine Frankl. Savez-vous que ce surnom était porté autrefois par l’ancien collègue de Monsieur Spaw. L’Invisible était un hacker dont le talent aurait pu devenir légendaire si, toutefois, il n’avait pas mérité autant son surnom. Spaw doit beaucoup vous aimer ou vous admirer pour vous avoir donné ce surnom…
– Vous auriez dû nous amener les comics, je suis sûr que leurs aventures devaient être passionnantes.
– Passionnantes ? Non, pas franchement. Les quatre fantastiques ne survivaient dans le paysage ludique que parce qu’ils étaient confrontés à un méchant charismatique du nom Docteur Doom, Victor Von Fatalis de son vrai nom. C’est ce Fatalis que je vous amène aujourd’hui, un adversaire à la hauteur de vos capacités…
– C’est justement parce qu’on ne dépasse pas nos capacités que nous sommes encore en vie répond Dâr qui commence à ne pas aimer la tournure de la discussion.
– Très juste, mais à l’inverse de ces héros américains, vous n’êtes pas altruistes. Je me suis d’ailleurs toujours demandé comment l’altruisme de ces héros avait pu plaire à des lecteurs aussi tournés vers le profit personnel.
– Peut être que le besoin de bonne action quotidienne était rassasiée par une lecture insipide.
– Peut être. Mais revenons-en à Fatalis. Au cours de ses aventures, cet homme va devenir roi de la Latvérie, un petit pays complètement dévasté par des grands consortiums industriels. C’est un premier point commun que notre homme a obtenu en s’attaquant à une grande corporation. À l’inverse de beaucoup, ce personnage n’était pas manichéen. Par exemple, il apporte paix et prospérité aux habitants du pays. Il est à la fois détesté par la quasi-totalité du monde et vénéré par ses sujets. Mais le point le plus important pour notre histoire c’est que le Docteur Doom est à la fois un maître des arts mystiques et l’un des plus grands savants du monde.
Ces deux caractéristiques correspondent parfaitement à la personne qui a attaqué les entrepôts d’Ares le vendredi 34 février 2070. Comme le Docteur Doom, notre homme a réussi à se trouver des appuis à l’extérieur où il est perçu comme un libérateur. Comme Doom, notre homme est capable de déjouer un système de sécurité qui est des plus performant tant du point de vue magique qu’électronique. Je veux que vous retrouviez cet homme et je le veux vivant. Ne perdons pas de temps à discuter, votre prix sera le mien. Vous êtes gourmands, qu’importe si vous le méritez. Une dernière chose, si je fais appel à une équipe de runners, c’est parce que cette affaire ne peut pas être traitée en interne. En effet, certaines preuves ont disparu comme les relevés astraux faits par les mages occultes à la suite de l’explosion. Ces derniers prouvaient que notre homme a agi seul. Vous agirez dans l’ombre afin de vous éviter un maximum de confrontation avec les traîtres. Si par ailleurs vous en croisez, évitez le au maximum. Je veux uniquement la personne qui a attaqué l’entrepôt. Une dernière chose, les relevés des capteurs thermiques – qui ont également disparu – nous ont révélé également que cet homme ou cette femme possède de nombreux implants.
– Étrange si il ou elle pratique la magie…
– Oui. Exactement comme le Docteur Doom !
– Passer par les égouts était vraiment une idée stupide.
– Pas tant que ça si on considère que notre homme est passé par là.
– Et tu sais ça comment ?
– Les rapports de police parlent d’une armée de rats qui aurait poursuivi le gardien et auraient tout détruit sur son passage.
– Ouais et ?
– Et les rats, on les trouve dans les égouts…
Jo Frankl s’agite. Le groupe se tait. La jeune fille est maillée. Des formes complexes se dessinent dans son esprit, ces algorithmes mentaux pénètrent le nœud. Le corps de la jeune fille se met à trembler sous l’effort. Estrée et Dâr voient partir les petits écureuils qui accompagnent toujours la jeune fille. Dans la matrice, son persona ressemble à une dryade dont les branche seraient faites d’énormes fils entrelacés aux couleurs variables. Au bout de ses bras, des lames rouillées passent pour les feuilles d’un arbre en automne. La dryade urbaine évolue dans une jungle de béton. Les rongeurs qui l’accompagnent sont ses sprites, des entités crées à partir du tissu même de la matrice. Ils se jettent sur un petit appareil et s’insèrent à l’intérieur. L’équipe a pris le contrôle des drones. C’est au tour d’Estrée de lancer ses sorts. Les esprits tournent autour de la chamane. Dans un premier temps, ils avalent littéralement tout bruit les entourant puis le petit groupe disparaît peu à peu. Dâr peut enfin se glisser dans l’entrepôt.
– Alors ?
– Alors pas grand chose de plus répond Dâr irrité. Juste que c’était pas un d’entrepôt, un laboratoire high tech a la limite. Dans un putain d’entrepôt, on n’a pas des murs blindés pour se protéger, pas non plus de système de caméras relié à l’extérieur, ni de caisson de décontamination… On se serait cru après le passage d’un grand dragon. J’ai pas trouvé grand chose à part des rats calcinés et du matériel éclaté. Mis à part ce morceau de… ça.
Dâr reprend son souffle, fait craquer quelques vertèbres puis sort d’une de ses poches un petit objet métallique gros comme une phalange. Il le jette nonchalamment à la petite Frankl. La technomancienne l’attrape au vol.
« J’sais pas trop ce que c’est mais ça semble DOTé. Je me suis dis que tu pourrais nous dire s’il y a un marqueur RFID ? Et puis le lire pourquoi pas… »
Pour toute réponse, la technomancienne fait tourner l’objet entre ses doigts fins tout en le regardant distraitement. Elle trouve ce qu’elle cherche puis change de position, ses sourcil se froncent de concentration. Le marqueur d’identification à fréquence radio lui indique le nom, la filiale d’Ares et le type de munition Sans rien dire, elle se lance à la recherche d’informations supplémentaires sur la victime et sur ses activités. Pas vraiment surpris du manque de réponse, ses trois acolytes se regardent et haussent les épaules. Dâr étend les jambes, passe ses mains sur sa nuque et se penche en arrière.
– Comme ça risque de prendre du temps, j’hésite entre un petit somme et un petit tour… Quelqu’un m’accompagne ?
– Pourquoi pas, répond l’ork, j’avais justement besoin de me dégourdir les jambes. Estrée ?
– Non merci, il y a une piste que j’aimerais explorer…
Le corps svelte de la jeune elfe flotte dans une mer éthérée qui forme ce métaplan. Elle l’appelle mais le liquide amer lui remplit la bouche. La surface mouvante reflète la lumière en une myriade de couleur comme le ferait une nappe d’essence. Peu à peu, son esprit se concentre pour produire une étincelle, pour qu’il voit la lumière et s’en approche. Le liquide s’embrase instantanément, les flammes l’entourent et lèchent son corps nu sans le brûler. Les essences magiques qui la portaient s’évaporent peu à peu sous la chaleur. Elles ne la retiennent plus. Estrée tombe dans le néant qui constitue désormais ce métaplan. Son corps est alors rattrapé par un oiseau majestueux aux ailes enflammées. Estrée communique avec le phoenix, son esprit mentor. Par le lien qui les unit, cette dernière lui/se pose les questions qui la dérange :
– Comment l’attaque a t’elle eu lieu. Comment un mage seul a t’il pu effectuer un sort contrôlant une nuée de rats? Cet homme aurait une essence souillée…
– Es tu certaine que c’était un bien vivant ? Je ne crois pas. La seule chose dont on peut être certain c’est que les rats précédent toujours les enfants. Ce n’est pas pour cela que j’ai répondu à ton appel mais pour te prévenir. Des hommes cherchent ton corps pour t’empêcher de renaître de tes cendres.
Les écureuils rongent les restes des CI et partent les enterrer dans quelque espace matriciel. Pendant ce temps, la dryade cherche un dénommé Sharx, sa vie mais surtout les ennemis qui peuvent lui en vouloir. Lui et son équipe travaillent sur la fabrication de balles creuses. Ces dernières pourraient être utilisées comme des fléchettes afin d’introduire du poison, des toxines ou des capteurs de position pour des balles traçantes. La production de structures communes permettrait ainsi à Ares de rendre plus polyvalentes ses vieilles usines. Elle permettrait également d’obtenir une meilleure ergonomie pour les armes. Sharx était sur le point de faire les derniers tests avant la commercialisation. Le rapport d’enquête parle d’un agent infiltré qui aurait permis à des runners de voler une partie des travaux. Le dossier est formel. De plus il n’a jamais été modifié ou effacé. Il reste la possibilité que cette modification ait été effectuée par un hacker bien meilleur qu’elle. Jo rejette cette idée comme le ferait une enfant lassée par un nouveau jouet. S’il y a un traître alors c’est très certainement un concurrent de Sharx, un homme d’Ares qui vise les même promotions que lui. Elle commence cette nouvelle recherche pour établir une liste de postulants quand son esprit s’arrête sur une autre question. Le vieille homme a t’il tout dit ou se trompe t’il ? C’est pour ça qu’elle a toujours préféré les machines : elle ne mentent pas et ne se trompent jamais. Puis elle se demande pourquoi, si le détective de l’occulte a découvert plusieurs runners, le Johnson leur a t’il certifié qu’il n’y en avait qu’un. Intriguée, la jeune femme revient sur le dossier de l’enquête puis achève sa lecture. Un détail important retient son attention. La recherche des RFID disséminés dans le matériel n’a pour l’instant rien donné. Elle se déconnecte en espérant qu’il n’est pas trop tard.
Ses yeux s’ouvrent sur Estrée qui l’attrape d’une main. De l’autre, l’elfe tient le canon de son arme sur la bouche pour lui indiquer de se taire. Sans un bruit, les deux femmes se déplacent vers le placard. Là, Spaw y a installé une cavité creuse doublée d’un inhibiteur de wifi. La cache peut accueillir un ork alors pourquoi pas toutes les deux. Estrée est en train de replacer la cloison quand des coups sourds font sauter la serrure de la porte d’entrée. Une équipe d’intervention Ares vient de retrouver un marqueur RFID manquant.
Spaw et Dâr marchent sans vraiment avoir de but, juste pour se dégourdir les jambes.
– Y a un truc que je comprend pas avec Doom… commence l’Ork
– Tu vas pas t’y mettre aussi, répond l’humain énervé.
– Non mais y a un truc que je ne comprends pas quant même. Pourquoi notre cible aurait-elle tout fait sauter. Mis à part demande spécifique, le principe du runner est de venir, de prendre ce qu’on lui demande et de faire le ménage après.
– Ben, il a fait le ménage.
– Tu comprends ce que je veux dire.
– Ouais, peut être que c’est pour ralentir les recherches, peut être que c’est pour faire croire à une déclaration de guerre entre corpos…
– Mais ça me titille quant même.
– Si j’avais gagné un nuyen à chaque fois que quelque chose « te titille », je travaillerais plus depuis longtemps.
– Tu aimes bien te plaindre et puis avoue : les poussées d’adrénaline te manqueraient…
Les deux hommes marchent un moment en silence. Dâr regarde son partenaire puis répond.
– Tu sais ce qu’on dit des vieux singes qui font la grimace… tu sais… j’en ai pas parlé parce que je sais que c’est tordu mais imagine qu’Ares – ou quelques uns de ses dirigeants – ait envisagé de déclarer la guerre à une autre corpo. Il leur faudrait bien un détonateur. Imagine que notre rôle ne soit que d’effacer l’empreinte digitale des gens d’Ares qui ont appuyé sur ce détonateur.
– Je ne te suis pas très bien.
– Ben, imagine par exemple un Johnson qui a travaillé toute sa vie pour Ares et qui trouve que sa corporation ne se soit pas développée comme il l’entend. Tu sais ce qu’on dit : Pas assez vite, jamais assez haut. De plus, en y regardant de près, Ares n’est pas celle qui a le plus profité du crash de 64. Notre Johnson réunit donc quelques amis au sein de la direction, fait sauter le labo d’un ou deux traîtres en pointant du doigt une autre corporation… Tu sais les guerres n’ont jamais eu besoin de beaucoup plus. Et puis, un homme seul qui s’introduit dans les locaux d’une corporation spécialisée dans le maintien de l’ordre et la fabrication d’armes, c’est plutôt gros. Ah oui j’oubliais : les locaux sont en fait un laboratoire secret très certainement placé sous haute protection. Même pour Docteur Doom, c’est balaise, non ?
– J’imagine très bien. Tu joues les cyniques mais au final tu aimerais bien te voir dans le rôle d’un sauveur du monde qui évite une guerre entre corpos AAA.
– Là, c’est à moi que tu tentes d’apprendre à faire la grimace. Avoue que tu me crois !
– Non !
– Menteur.
Les deux runners arrivent au bar. Ils n’ont pas parlé, plongés dans leur sombres pensées. La porte est à quelques mètres quand l’ork propose à Dâr :
– On rentre?
– Tu veux dire dans le bar ou chez toi ?
– Chez moi, j’aime pas laisser les filles toutes seules.
Les deux hommes rebroussent chemin en courant.
Les hommes sont en train de mettre l’appartement à sac. Ils ont trouvé depuis longtemps le morceau de métal DOTé. Ce n’est qu’une question de temps pour qu’ils ne les trouvent. Estrée pourrait s’enfuir mais devrait abandonné la petite. Plus elle hésite, plus elle diminue ses chances. Elle ne doit rien à la gamine, rien à Spaw et encore moins à Dâr. Rien ne l’empêche de refaire sa vie avec une autre équipe, de renaître de ses cendres comme l’oiseau mythique qui lui sert de totem.
Elle sent la chaleur de la fillette qui se sert contre elle. Malgré ses dons, ce n’est qu’une enfant, une petite fille enfant qui est en train de trembler de peur. Ses doigts se desserrent de la crosse de son arme, de sa main libre, elle prend Jo dans ses bras et la serre contre son sein. Elles vont s’en sortir … ensemble. L’attente ne semble pas lui donner raison. Un ou des hommes sont en train de fouiller la chambre, qu’ils découvrent le double fond du placard n’est qu’une question de seconde. Elle commence à perdre espoir quand les premiers coups de feu retentissent. L’homme ou les hommes ont du se retourner. La mage peut sortir. Dans son champs de vision, elle voit le dos d’un homme lourdement armé, protégé par un casque et un gilet par balle. Qu’importe une rafale tirée en pleine tête suffit à l’assommer. Avec un peu de chance, l’homme a peut être la nuque brisée. Estrée tend son arme à Jo et commence son incantation. De ses doigts jaillissent des flammes bleutées. Les mains en flamme, elle arrive dans le salon. Là, les hommes d’Ares ont monté une barricade de fortune pour se protéger des tirs provenant de l’entrée. Ils ne l’ont pas remarquée. Elle va leur apprendre à jouer avec le feu. Parmi les hommes, elle aperçoit un homme qui est semble incanter. Elle le vise. La boule de feu explose directement sur l’infortuné le tuant sur le coup. Les soldats se retournent. Trop tard, l’homme s’évertuait à renforcer magiquement la table qui leur servait de palissade. Les balles tirées par l’ork et l’humain la font exploser entraînant les agents qui se cachent derrière dans l’oubli. L’un des hommes a néanmoins le temps de tirer une rafale. Il n’a pas visé mais la balle transperce le jambe d’Estrée. Derrière elle, un coup de feu retentit. Le recul a fait tomber la technomancienne. La balle vient se loger entre dans la tête du dernier guerrier emportant une partie de son crane avec elle. La fusillade cesse.
Jo lâche son arme pour supporter Estrée. La blessure a l’air sérieuse. A l’entrée, Spaw demande à la chamane de venir l’aider. Dâr est salement amoché. Péniblement, les deux femmes se traînent jusqu’à l’ork. La petite hackeuse s’est arrangée pour qu’un véhicule soit en bas pour les attendre.
L’ork regarde le médecin s’affairer sur le corps de son ami. Comme hypnotisé par le va et vient qu’effectuent les mains poisseuses de sang de l’homme médecine, l’esprit de l’ork dérive. Il se sent inutile, il s’éloigne pour rejoindre le reste encore conscient de son équipe. Il referme la porte derrière lui et s’adosse dessus.
– Comment va t’il? demande l’elfe.
– Mal, et ta jambe?
– Pas mieux
– Et toi petite, tu tiens le coup?
– …
– C’est normal…
– Arrête avec tes conneries paternalistes Spaw. Je vais m’en sortir. Jo en verra d’autres.
– …
– J’ai découvert quelque chose avant de jouer au jeu du tir au canard. Notre cible n’est pas un mage. C’est juste un homme ayant utilisé une relique puissante. Tu connais la légende du joueur de flûte de Hamelin.
– Tu parles du musicien dératiseur qui parce qu’il n’a pas été payé à tué tous les enfants du village? Bien sûr que je le connais, après tout c’est un des premier runner a s’être fait baiser.
– Exactement, je crois que c’est de ce côté là qu’on devrait chercher l’artefact. Un samouraï des rues avec une flûte, ça devrait diminuer notre champs d’investigation, non ?
– Pour ma part, j’ai une information qui pourrait encore diminuer les recherches, intervient la jeune technomancienne. Les différents rapports de d’enquêtes relatent que plusieurs runners ont effectués le vol. J’ai de fortes raisons de penser que ces rapports n’ont pas été trafiqués. Hors, nous ne recherchons qu’un seul homme d’après Mr Johnson. J’en ai donc déduit que les rapports étaient truqués à la base. Je me suis donc intéressée à la personne qui les avaient autorisées. Cette personne n’est autre que Docteur Sharx, l’homme qui dirige le laboratoire. La suite logique m’a amené à penser que c’est ce même docteur qui a donné les codes d’accès au joueur de flûte ou à Doom comme vous l’appelez. Le seul problème est que je ne comprend pas pourquoi Sharx, une tête montante d’Ares, a fait ça.
L’ork leur sourit un regard chargé de fierté pour ses deux protégées
« Pour gagner du temps sur ses recherches… Et pourquoi pas un nouveau labo… »
L’antique cloche sonne. Le barman regarde un vieil homme porté par sa canne rentrer dans son établissement. Il détourne le regard pour inspecter l’état de la chope au travers de la lumière synthétique. Visiblement pas satisfait, il recommence à l’astiquer consciencieusement. L’homme, un asiatique de grande taille, se dirige vers une table comportant quatre chaises. Seules trois sont occupées. Sans demander la permission, il s’assoit :
– Comment va votre ami Dâr?
– Il survivra.
– Et vous ?
– Abrégeons, vous n’êtes pas venu pour une visite de courtoisie.
– Non, je venais juste vous dire qu’Ares avait perdu les bons services du docteur Sharx. En revanche, la corporation a évité de dépenser encore pour un projet d’étude qui risque de prendre encore beaucoup de temps pour aboutir. Et comme si ça ne suffisait pas nous avons désormais deux cobayes volontaires et un objet de pouvoir oublié depuis longtemps. Je ne pensais pas dire ça mais vous avez été…
– Fantastiques ?
– Non, parce qu’au final, je dois avouer, non sans honte, que je m’étais trompé. L’homme que vous m’avez livré n’avait pas la carrure d’un Fatalis. Vous avez été néanmoins particulièrement compétents dans cette affaire. À ce sujet, j’aimerais vous parler d’un roman que j’ai lu étant jeune. Il s’appelle si mes souvenirs sont bons … les trois mousquetaires.