Affaires africaines

Le père Saulnier s’attardait dans son église en cette fin de dimanche après-midi. Il avait finit de ranger le chœur après l’office du matin. Il méditait assis dans son siège. La lumière qui entrait par le vitrail qui tenait lieu de mur du fond avait les accents chauds de cette fin d’automne. Baigné dans la clarté, ses pensées tournées vers Dieu, il sursauta au moment ou la porte donnant sur la sacristie s’ouvrit.

Plutôt petit, un chapeau enfoncé sur le crâne, des lunettes noires, un costume négligé et une cravate mal serrée. C’était la tronche de chou de son frère Arthur. Dans le même temps, à l’extrémité gauche de son champs de vision, vint se superposer un message :

« Dirige-toi vers le confessionnal. Il faut que l’on parle “discrètement” — Arthur. »

Connaissant bien son frère, il commença à enregistrer. En pénétrant à sa place habituelle dans le confessionnal, il activa les contre-mesures électroniques garantissant le secret. Une icône de sens-interdit apparue juste au dessus du message de son frère signalant la réussite du protocole. Arthur s’assit de l’autre côté du grillage de bois et rabattit la tenture pourpre sur lui.

« J’ai péché mon Père, et je vous supplie de m’accorder votre pardon ! »

« Je vous écoute mon fils, soyez sûr de la bienveillance de Dieu à votre égard. »

Cela avait commencé une semaine plus tôt dans un petit restaurant de Lyon en France. Un « bouchon » comme ils appellent ça là-bas. Perdu au fin fond d’une ruelle sombre dans le quartier préservé du patrimoine mondial. Arthur avait eu du mal à trouver.

Les flèches jaunes que le système guide superposait dans son visuel s’étaient arrêtées devant une porte close. Un message lui indiquait de payer deux nuyens supplémentaires pour télécharger le guide spécial « Traboules«  ; du nom de ces ruelles prenant corps au sein même des immeubles de la capitale des gaules.

Le petit logiciel l’avait conduit jusque dans une cours discrète mais remarquablement ouvragée. Le restaurant du Chat Perché lui faisait face. Il entra. Son contact se signala à lui par une icône en forme de lune qui tourna quelques instants, à sa seule intention, au dessus de sa tête. Arthur ôta son bada et se glissa à ses côtés dans l’alcôve. Monsieur Dupont était un homme joufflu. En trop bonne santé, le regard porcin, les joues rouges. Il était affublé d’un costume trois pièces strict qui, sur lui, avait l’air dépenaillé. Les manches élimées, le col taché, les cheveux gras et abondant de pellicules : la classe sans jamais y arriver.

Il l’accueillit d’un « cher ami, heureux de vous rencontrer ! » sans conviction assaisonné d’une main molle et moite. « Prenez place et commandez quelque chose. Nous attendons encore quelqu’un. » Un menu s’afficha dans l’espace devant lui présentant des photos en 3D de chaque plat. Le guide touristique vint ouvrir une seconde fenêtre pour commenter l’art culinaire local. Selon ses dires, le mélange de fromage blanc et de fines herbes qu’engouffrait goulûment Monsieur Dupont se nommait « cervelle de canut ». Arthur se rabattit sur des quenelles aux brochets et un Chiroubles 2068 qualifié de « particulièrement réussit » par le programme gastronomique.

C’est alors qu’il nota l’approche d’une superbe elfe à la peau noire d’ébène, aux cheveux crépus coupés courts et aux énigmatiques yeux noires. Sa démarche de félin et son corps gainé de cuir mirent Arthur en arrêt. Il ne pu retenir un coup d’œil malsain vers la partie la plus avenante de son anatomie. En venant prendre place à la table elle frôla Saulnier qui s’enivra de son parfum exotique. Monsieur Dupont l’accueilli d’un « chère amie ! » bien plus vibrant que pour Arthur.

Il repoussa sa coupelle, se servit d’un verre dans le pot d’Arthur et fit claquer sa langue.

– Bien, maintenant que nous sommes tous là, nous pouvons entrer dans le vif du sujet. Mambala, je vous présente Arthur, un brillant touche à tout. Arthur je vous présente Mambala, l’une des meilleures hackers elfe vivante à ce jour.

– Et surtout l’une des plus givrée. Maugréa celui-ci dans sa barbe.

– Avec le runner le plus lâche d’Europe cela fera une moyenne, lui répondit-elle.

– Je vois que vous vous connaissez déjà, mais c’est parfait. Revenons à nos moutons. Si je vous ai fait venir ici c’est pour que vous m’aidiez à retrouver Monsieur Sauveur Diala et une puce qu’il détient. Il y a un signe « peace and love » gravé sur la puce. Monsieur Diala est employé de Renault-Fiat et travaillait sur un projet « inconnu » à leur unité de Feyzin au sud de Lyon.

– Avez-vous son adresse personnelle, le nom de connaissances, un dossier plus complet sur lui ? Questionna Arthur.

– Je ne détiens rien de tout ceci. C’est à vous de m’apporter ces données.

– Combien ? Lui renvoya avec une certaine agressivité Mambala.

– 1 000 nuyens par jours avec une prime de 10 000 nuyens si le job est terminé dans les 48 heures. Si vous mettez plus de cinq jours à obtenir la puce et me la ramener je ne la paye pas…

– Je ne travaille pas sans un défraiement minimal, l’interrompit Saulnier qui tapotait dans le vide, comme sur une calculatrice. Si au bout de cinq jours, nous ne vous avons rien ramené ou si nous jetons l’éponge avant, un dédommagement minimal de 500 nuyens est à prévoir si vous voulez que je fasse partie du run.

– Pareil pour moi. Renchérie l’elfe.

Monsieur Dupont réfléchi un instant. Un demi-sourire illumina son visage rubicond.

– Très bien allons-y pour 500 nuyens par jours sur cinq jours. Je prends tout mes repas ici. Vous pourrez donc me contacter à midi et à 20 heures au Chat Perché. Je paye la note pour ce soir. Je pense que vous avez du pain sur la planche. Vous pouvez y aller ; si vous n’avez plus de questions, bien sur.

En sortant, il réajusta son bada sur sa tête. Le soleil était parti éclairer une autre face du globe. La municipalité de Lyon l’avait remplacé en ces temps de fête des lumières par des effets technologiques de toute beauté. La traboule semblait être baignée dans une eau bleue qu’une lumière diffuse faisait se refléter sur la voûte, comme si vous marchiez au milieu d’une petite rivière souterraine.

Une énorme flamme les accueillit quand il sortir dans la rue. Mambala exécuta une roulade parfaite derrière la Ferrari qui dérapa pour venir faire écran entre le dragon et elle.

« Ce n’est qu’une illusion » lui glissa Arthur d’une voix douce et sans ironie.

Son petit logiciel guide venait de lui indiquer qu’il s’agissait du « célèbre illusionniste lyonnais Gaspard Lépine qui refera vivre les mythes du temps jadis au coin de la montée… » En l’occurrence un dragon de toute beauté. Elle se redressa et monta dans le véhicule à la place du chauffeur.

« Monte ! » lui enjoignit-elle d’un ton irrité.

Il prit place dans la puissante voiture. Elle démarra en trombe. Plusieurs écrans apparurent en surimpression sur le pare-brise.

– On commence par voir si on le trouve dans les pages blanches ? Suggéra l’elfe avec une intonation qui ne laissait planer aucun doute sur le fait qu’elle avait reprit le contrôle.

– Il habite au 22 chemin du Roule à La Mulatière. J’ai cherché pendant qu’il baratinait. Les données GPS s’affichèrent sur l’un des écrans. Elle lui jeta un regard mêlant, énervement, admiration et surprise. Il soutint sont regard de braise, lui fit un timide sourire et reprit d’une voix douce et professionnelle.

– Feyzin, au sud de Lyon, est un centre stratégique pour Renault-Fiat. Les TGV entre Paris Lyon et Turin assurent une bonne liaison avec les deux centres opérationnels du groupe et la proximité de Clermont-Ferrand facilite l’arrivée de ressources en provenance du site historique de Michelin qui a été absorbé en 2056. Très bon emplacement pour coordonner une opération impliquant plusieurs branches du groupe sur un sujet secondaire. Le pétrole par exemple. Feyzin est historiquement un centre de traitement pétrolier important.

Au fur et à mesure des ses explications, les données qu’il était allé piocher sur le réseau apparaissaient sur le pare-brise. Mambala conduisait à une vitesse déraisonnable compte tenue de la foule qui circulait en ville pour admirer le spectacle. Les effets de lumière se faisaient de plus en plus grandioses à l’approche du centre ville. Le thème de l’année était Donjons et Mythes. Des fantasmagories surgissaient de partout. Monstres légendaires, héros en armures, bâtiments réarrangés par des illusions techniques ou magiques pour ressembler à d’antiques donjons moyenâgeux. Et toujours les petites bougies que chaque lyonnais posait sur le rebord de sa fenêtre le soir du huit décembre.

La réalité augmentée avait aussi été touchée. La ville émettait un programme spécial en complément des classiques informations touristiques. Cette année il s’agissait d’une chasse au trésor. Des indices virtuels avaient été déposés dans les principaux lieux d’animation. Il s’agissait de battre un monstre de légende grâce à un petit soft de simulation de combat pour récolter le trésor qui se révélait être une indice pour accéder à la suite de la course. Au final la ville offrait une semaine de découverte des lieux interdits de la cité, catacombes, archives à accès restreint, cours et traboules fermées au public.

Mambala décrivait un parcours compliqué aidée par le GPS pour se glisser hors des encombrements et rejoindre l’autre colline de la ville. Tout en continuant la mise à jour de ses informations, Arthur observait la jeune Elfe. Sa grande beauté l’excitait énormément. Il avait toujours aimé travailler avec de jolies femmes. Mais la réputation de tête brûlée de celle-ci lui posait un problème. Elle travaillait jusqu‘à présent avec un chaman africain. Lors de leur dernière sortie ce dernier s’était fait abattre. Les ombres la jugeaient responsable du décès de son coéquipier. Elle avait sauté tête baissée dans les ennuis et s’en était sortie de justesse. Il avait peur du traumatisme de la perte. Plus encore, il avait peur des réactions d’une jeune femme énergique face à cette perte. Elle était capable de se lancer dans des dangers encore plus grands pour se prouver qu’elle pouvait toujours le faire.

Il sortit de ses réflexions quand les informations issues de sources plus underground commencèrent à s’afficher. Il y à une semaine, une mine de manganèse gabonaise, exploitée par Renault-Fiat avait été attaquée par des forces armées congolaises. Cette mine fournissait une grande partie du manganèse destiné à la Nouvelle Communauté Économique Européenne. S’il fallait en croire la rumeur qui circulait dans le milieu une méga-corporation aurait financé et entraîné les soldats congolais. Pour le moment personne ne pouvait dire qui, même si quelques noms circulaient comme Renraku, Ares et Aztechnology.

– Qu’en penses-tu ? demanda Arthur en se tournant vers Mambala.

– Rien ! Tu crois qu’il travaillait sur la contre-attaque de Renault-Fiat ?

– Plus que probable. Ne voudrais-tu pas échanger de place avec moi ? Je vais conduire. Pendant ce temps pourrais-tu aller jeter un coup d’œil sur le système de sécurité de son domicile ?

– Tu n’as qu’à le faire toi-même, tu es un hacker non ?

– Non. Un sourire passa sur son visage. Ma spécialité, c’est la magie.

Elle le contempla quelque secondes, interloquée. Puis donna un violent coup de frein. Derrière eux un véhicule changea brutalement de file et envoya un grand coup d’avertisseur. Ils sortirent de la voiture et échangèrent leurs places. Il avait toujours souhaité piloter ce genre de joujou sans jamais s’y résoudre. Il fit bondir la Ferrari en avant avec souplesse. La belle africaine se cala dans le siège passager et s’immergea dans la matrice. Le serpent noir la symbolisant dans la matrice s’ébroua dans le nœud et s’élançât vers le système du bâtiment.

L’immeuble où habitait Diala appartenait à sa corpo. Il était défendu par un set de protection classique pour une résidence de cadre de second plan. Des yeux du serpent noir jaillit un faisceau rouge symbolisant le programme de scan qu’elle venait d’activer. Rapidement, une faille lui apparue. Une partie du mur qui interdisait l’accès au cœur du système avait déjà été forcé. Sur ses gardes Mambala activa son programme d’attaque. Les crocs du serpent grandir se renforcèrent et commencèrent à dégouliner de venin. Elle se glissa dans la faille. De l’autre côté, le système avait une subdivision par occupant plus une pour la technique et la sécurité. Elle se dirigea d’abord vers celle-ci. Son scan indiquait également des traces d’effraction. Le système de sécurité avait été désactivé.

Un gros singe dans le plus pur style King-Kong était en train d’extraire des données du système vidéo. Le serpent noir sauta à la jugulaire du gros singe et mordit de toutes ses forces virtuelles. « Kong » tenta d’assener un coup de ses poings phénoménaux sur le serpent mais déjà son avatar avait du mal à garder son intégrité. Le venin informatique affectait sa stabilité système. Dans un éclatement de données, il disparut.

Mambala se connecta sur le flux de données vidéo Affichant un groupe de runner fouillant un appartement. Elle émergeât de la matrice en fulminant.

– Shit of, on est en train de se faire doubler. Jurat-elle en affichant une photo du groupe en train de fouiller l’appartement.

– Pas nécessairement. La reprit Arthur, plus calmement. Regarde ta vidéo. Ils fouillent mais la cible n’est pas là. Ils sont trois dont un nain et une femme.

– On fonce et on les défonce.

– Les bruits de bagarre, ça attire la milice. Si on fait ça, ils auront fouillé et pas nous. Dans quelques minutes ils vont se rendre compte que leur hacker est HS et probablement évacuer les lieux. Il suffira de les garder à l’œil et de leur succéder. Nous devrons faire vite mais nous aurons un avantage. Nous connaitrons leurs visages. Reprend le contrôle de ton bolide et amène nous aussi vite que possible là. Il pointait des coordonnées légèrement en retrait par rapport à l’adresse de la cible.

– Et s’ils ont la puce ? On devra non seulement les défoncer mais aussi les retrouver.

– Certes, mais je doute que Sauveur ai laissé son assurance vie ailleurs que sur lui. Il doit faire le deal dans un temps réduit pour que les infos restent fraîches. S’il n’est pas là la puce non plus.

L’elfe repris la main sur le contrôle virtuel du véhicule et accéléra au maximum. Quelques minutes plus tard ils observaient l’équipe de runner en train d’évacuer l’immeuble précipitamment. Depuis leur position en hauteur ils avaient une vue imprenable tant sur l’ensemble des bâtiments que sur la ville. Sur les bords du Rhône, un feu d’artifice avait débuté. Les fusées formèrent un immense dragon crachant du feu.

– Tu vois le garde a été endormi par magie. Généralement dans ce genre de système ils doivent donner signe de vie toutes les trente minutes. Depuis combien de temps ont-il commencé leur run ?

– Un peu moins de quinze minutes. Je peux mettre la vidéo en boucle pour les quinze minutes à venir puis je plante le système pour les cinq minutes qui seront nécessaires à l’arrivée de l’équipe d’intervention. Ça nous laisse vingt minutes dans la place pour fouiller. On embarque quoi ?

– Ses relevés bancaires, sa bibliothèque virtuelle, ses photos de famille.

– Pas ses affaires de boulot ?

– À mon avis l’équipe précédente a déjà récupéré tout ça. Ils sont partit. Allons-y !

Leur course fut rapide et précise. Enjamber le garde. Renouveler le sortilège qui le maintenait dans un sommeil profond. Se glisser rapidement et silencieusement jusqu‘à l’appartement en s’appuyant sur le plan affiché en périphérie de leur champ de vision. Fouiller rapidement l’appartement. Retrouver les puces dans le fouillis laissé par l’équipe précédente. Des photos, des livres numériques. Ouvrir un accès externe sur son ordinateur central. Sortir sans laisser plus de trace qu’une brise de printemps. Quand les premières sirènes se firent entendre la Ferrari reprenait sa route lentement. Arthur conduisait pendant que Mambala téléchargeait ce qui restait du disque dur de Diala.

Quand elle émergeât de la matrice Arthur était en pleine gamberge.

– J’ai mis ses comptes en banque sous surveillance étroite. S’il tire du blé on le saurât.

– Bath la môme ! Y’a un truc qui me turlupine dans tout ça.

– Quoi donc ?

– Les gars qui on fait le run sont de Seattle. Je connais leur chef. La femme magicienne. On la surnomme Fatima. Elle a presque autant de bouteille que moi dans le métier. Une grande pro.

– Et alors nous aussi on est des « grands pros«  ! On travaille pour la corpo concurrente.

– Affirmatif ! Je cherche juste à savoir qui mène la danse et qui valse avec la mort. En l’occurrence je parierais sur Renraku. Ça leur ressemble bien de recruter dans les ombres de Seattle.

– On s’en branle de tout ça, ce qui compte, c’est de retrouver Sauveur et sa puce. Elle marqua une pause avant d’ajouter : « Et dit moi donc, monsieur je-sais-tout, on va où maintenant. Parce qu’il va nous falloir un coin au calme pour faire le point sur les données non ?

– Met le cap sur « les Minguettes » à Vénissieux, tours Mitterrand, on va aller squatter chez un poto à oim : Slimane Franc.

En arrivant aux nouvelles tours des Minguettes Mambal fit une grimace agacée.

– Fuck Arthur, où tu nous à amené ? Y’a des gangers ork partout. Ils vont défoncer ma caisse avant que j’ai eu le temps de dire bonjour.

– Te fait pas de bile, y’aura pas de problème.

Ils sortirent de la voiture et instantanément un groupe de jeune s’approchât d’eux.

– Trop la classe m’dame ta chignole. Tu m’fais faire un tour ?

– Si tu touches à cette voiture je te détruis minus.

– Ha houai j’aimerais bien voir ça mignonne.

Le jeune ork tenta d’agripper Mambal par la nuque. Plus rapide que lui, elle esquiva son mouvement et saisi son Ares qu’elle lui colla sous le nez avec en prime un coup au plexus solaire.

– Si j’appuie sur la détente il ne restera que de la purée de ta tête de con.

Les autres membres du gang sortirent leurs armes et braquèrent la belle hacker.

– On se calme, rugit la voix d’Arthur par-dessus la mêlée. On vient voir Slimane Franc. Alors tout le monde rentre ses armes et vous ne touchez pas à la Ferrari sinon Slimane risque d’être très fâché.

Instantanément les armes regagnèrent leur holsters. Le chef du gang se releva.

– On va monter le voir ensemble Slimane. Si vous mentez, on se fera un plaisir de vous mettre en charpie pour lui.

La tour reflétait l’abandon des quartiers par l’État français. L’ascenseur n’était plus qu’un souvenir. La cage d’escalier qu’ils empruntèrent mêlait dans une confusion politique totale, slogan pour la suprématie ork, insulte raciale, incitation au terrorisme musulman et pornographie à trois sous. Les banlieues étaient l’endroit où le droit s’éteignait. Les touristes n’y venaient jamais et le racisme économique y rejetait les différences. En plus des populations d’origine africaine qui y vivait cinquante ans plus tôt, les méta-humains « les plus horribles » tels que les orks et les trolls y était « parqués ».

On y survivait grâce à l’économie parallèle et la principale activité était de suivre les ligues officielles ou non de Conflit Urbain. Les paliers grouillaient de junkies cherchant les puces BTL illégales et autres substances pouvant les délivrer de leur quotidien sans espoir. L’humanité et la méta-humanité dans toute la profondeur de son désespoir et l’intelligence de sa lutte pour la survie. La hiérarchie des banlieues avait évoluée. Les jeunes caïds avaient vieillis. Leurs parents qui avaient tenté de vivre dans le respect des règles étaient morts. La hiérarchie naturelle s’était rebâtie, exploitant la faiblesse des masses. Et Slimane Franc était au sommet de cette hiérarchie.

Derrière une porte miteuse la « tente » de Slimane exhibait un luxe tapageur. Une tradition lyonnaise de cacher sa prospérité derrière une façade modeste. Slimane Franc était un troll gras. Ses origines nord-africaines ressortaient dans son visage et l’agencement de la pièce. L’appartement avait été transformé en tente de bédouin. Des tapis profonds ornaient le sol, des coussins étaient disséminés dans toute la pièce et de splendides jeunes femmes au ventre nu et au pantalon bouffant vaquaient à différentes taches ménagères. Plusieurs gangers en arme montaient la garde. Le troll sourit largement quand Arthur et Mambala furent introduits.

– Arthur, mon frère. Je vois que tu as fait la connaissance du « petit«  !

Il adressa un « laisse-nous » impératif aux jeunes ork, qui s’éclipsèrent en grognant.

– Bonjour à toi Slimane. Comment vont tes travaux ?

– Ils ont prit un tournant plus… « radical » dirons-nous. Et toi ! Que me vaut l’honneur de ta visite ?

– Je cherche un lieu calme ou me poser quelques heures. Pourrais-tu m’aider ?

– Tu peux te poser au troisième étage de cette tours appartement de gauche c’est rudimentaire mais équipé pour recevoir les amis. Mais j’y mettrai une condition ; que tu partages mon repas.

– Avec plaisir, mon ami.

Mambala lui jeta un regard noir exprimant tout le désaccord qu’elle pouvait avoir avec cette perte de temps dans la traque de Sauveur.

Le troisième étage gauche était un petit appartement standard avec cuisine étroite et sale, pièce de vie aux meubles bancals, chambre au matelas à bout de souffle et sanitaires précaires. Ils s’y installèrent et commencèrent à cribler les données issues du disque et des documents récupérés chez Diala.

Rapidement, Arthur commença à compléter son tableau de la situation. Mambala extrayant les informations nécessaires de la matrice. Il devenait clair que Renault-Fiat était dans une position précaire en Afrique. La mine de manganèse était leur vitrine technologique sur le continent. Sauveur Diala était originaire du village où était implantée la mine et il avait aidé aux relations avec les habitants en échange d’une éducation et d’une carrière au sein de la méga-corporation. Mais sa carrière, pour une raison difficile à préciser avec les archives disponibles avait calée. Un plafond de verre c’était instauré entre lui et les cadres dirigeants s’il fallait en croire ses documents.

Un profil parfait pour trahir. Fatima avait due l’identifier et tenter de l’extraire. C’était sa méthode classique. Si l’on supposait que Renraku était derrière l’activité militaire congolaise, la méga-corporation aurait fait d’une pierre deux coups en récupérant Diala dans son équipe. Elle privait Renault-Fiat d’un avantage et le gagnait à sa cause. De toute évidence quelque chose avait cloché. Fatima se retrouvait à organiser un run improvisé et « brutal » ce qu’elle détestait par dessus tout.

Par contre Renault-Fiat avait parfaitement réussit l’isolement de Sauveur. Apparemment pas d’amis en dehors des gens de son village. À moins d’y être retourné, il se baladait donc dans la comurb lyonnaise : en milieu hostile. Sous la pression urbaine il commettrait immanquablement une erreur à un moment ou un autre. Hypothèse que privilégiait Mambala

– Écumons tous les hôtels de la région nous le trouverons bien.

– Sauf s’il a été récupéré par une troisième équipe. Allons plutôt picorer un peu de nourriture avec Slimane. Même si nous venons de manger il serait impoli et imprudent de refuser son invitation. Et puis Slimane est aussi une source d’information intarissable sur la région.

Les deux heures à table avec Slimane coulèrent bien plus vite que Mambala ne l’avait imaginé. Les deux hommes échangèrent des informations sur de nombreux sujets passionnant. Puis ils entamèrent une controverse philosophique sur les religions du livre et leur vertu respectives. Elle ne put que noter la rigidité des opinions de Slimane et l’ingéniosité consensuelle de celles d’Arthur. Elle se laissa subjuguer par la culture du runner et se laissa même entraîner par lui dans un brun de valse sur une vielle mélodie : la Javanaise. Au moment où les mains d’Arthur entreprirent l’exploration du haut de sa croupe, un message s’affichât sur leurs deux PAN. Le logiciel espion de Mambala indiquait que Sauveur Diala venait de prendre une chambre dans un hôtel de Feyzin.

– Mon cher Slimane au risque de te paraître rustre nous allons devoir te quitter. Arthur fit une rapide courbette et entraîna Mambala par les anches.

– Mon cher Arthur, je vois que le devoir t’appelle. Ce sera toujours un plaisir de te revoir qu’Allah guide tes pas.

La Ferrari crissa dans la cours de béton percée d’herbe folles. Mambala connaissait par cœur son engin. Elle le mena à plus de 150 km/h tout le long avec des pointes à 250 sur le périphérique. Feyzin vivait en permanence dans un nuage chimique. L’odeur était épaisse et vous prenait à la gorge à des centaines de mètres des usines. Un brouillard verdâtre recouvrait une zone de quelques kilomètres carrés. L’hôtel se trouvait au milieu d’une zone consacrée à l’accueil des ouvriers et des routiers en transit. Les hôtels cercueils s’étalaient tout le long de la rue. On casait les travailleurs les plus pauvres dans un espace de deux mètres sur un et un de haut. La porte ouvrant directement sur l’extérieur. Le luxe sur le palier avec toilettes et douches communes.

Des bruits de fusillade se faisaient entendre au loin. La lueur de sort pyrotechnique illuminait le coin de l’hôtel où Diala avait trouvé refuge. Mambala parqua rapidement sa voiture et les deux runners sortirent arme au poing du véhicule. Ils se glissèrent en silence entre les bâtiments de l’hôtel pour se rapprocher du lieu du combat. A quelques coudées, ils s’immobilisèrent derrière l’angle d’un dernier bâtiment et Arthur incantât un sortilège de camouflage.

Ils jetèrent un œil à la scène. Fatima était accroupie derrière la porte ouverte d’un des cercueils du complexe. Elle était en pleine concentration pour lancer un nouveau sortilège. Un de ses hommes, un nain portant une énorme mitrailleuse, lâchait des salves par-dessus la porte pour tenir en respect un groupe de trois créatures humanoïdes cachées derrière une voiture en feu. À l’arrière plan, un gigantesque africain à la peau très noire secouait Diala. D’où ils étaient, Arthur et Mambala avait un point de vue idéal sur la scène englobant tout les acteurs.

– Abat Diala…

– Non mais t’es pas un peu cinglé on doit le récupérer en douceur. Lui souffla la jeune elfe dans un murmure rageur.

– Ne t’inquiète pas je crois que j’ai compris le fond de l’histoire on n’a plus besoin de lui ni de sa puce.

– T’es complètement givré Saulnier.

Le flingue d’Arthur cracha une courte rafale de trois balles en plein dans la tête de Diala. A cette distance il n’avait aucune chance. Son cerveau gicla sur le colosse noir.

– T’es complètement maboule, la cible ! Hurla Mambala.

Ils n’eurent que peu de temps pour réagir. Le colosse avait fait un roulé boulé à couvert et une longue mélopée commença à s’élever du coin de baraquement où il s’était caché. Des visages ahuris avaient commencé à se glisser avec précaution aux fenêtres des cercueils.

– Fait radiner ta caisse on embarque Fatima et le nabot et on se casse.

Arthur criait pour se faire entendre par-dessus le vacarme. Le nain surexcité avait commencé à tirer tous azimut.

– Goddamn ! Je ne sais pas ce que tu fous mais t’as intérêt à avoir de bonnes explications quand on se sera tiré de là.

La Ferrari pilotée à distance arriva entre les tours cimetières. Les créatures massées derrière la carcasse de voiture tentèrent une sortie. Le nain s’interposa. Il en envoya une dans le véhicule en feu d’une rafale bien placée. Tout de suite après son arme cliqueta dans le vide. Le chargeur était épuisé. Arthur balança un projectile enflammé en direction du grand noir et s’engouffra dans la voiture. Il composa rapidement un message à l’adresse de Fatima en indiquant une priorité haute. L’une des créatures avait mordue le nain à la gorge. Le sang commençait à couler dans sa barbe. Mambala para une main griffue qui tentait de s’abattre sur elle. Elle repoussa le membre d’un tour de hanche amenant ainsi son automatique au niveau de l’œil de la dernière des créatures et lâchât une salve à bout portant. La tête explosa. Elle s’engouffra à son tour dans le véhicule. Fatima exécuta une roulade vers la voiture et s’engageât sur le siège passager. Mambala démarra en trombe. Derrière elle un esprit d’un vert lumineux pris forme mais trop tard. La Ferrari était déjà loin.

Le lendemain à midi Mambala et Arthur rejoignirent Monsieur Dupont au Chat Perché. Ce dernier faillit s’étrangler avec son gras double quand il apprit que Diala était mort. Mambala boudait toujours dans son coin.

– Vous êtes complètement fondu Saulnier. Vous avez tué la cible et vous revenez sans la puce. Qu’avez-vous à me donner comme explications ?

– Je ne crois pas que vous ayez besoin de la puce. Diala aurait sans doute pu vous aider mais il est remplaçable. Pour votre information Renraku est derrière l’attaque au Gabon. Nous avons croisé un groupe de runner de Seattle qui travaille couramment pour eux sur place. D’autre part Diala à essayé de doubler Renault-Fiat et Renraku en jouant une carte locale. Le géant black étant sûrement un des chamans de la région.

Monsieur Dupont commença à se calmer et à porter une oreille attentive à Saulnier, qui reprit ses explications.

– Mais ce qui nous intéresse c’est vous. Qui représentez-vous ? Vous n’êtes ni Renraku, ni Renault-Fiat, ni un groupe de révolutionnaires locaux. Pourquoi ces informations vous intéressent ? La réponse ne tiendrait-elle pas dans le nom de Jorgen Serovick ?

Monsieur Dupont arrêta carrément de mâcher.

– Vous avez été mandaté par le groupe parlementaire majoritaire au parlement pour obtenir les informations nécessaire à une bonne négociation au sein de la NCEE avec Renault-Fiat. La corporation a tenté de cacher son fiasco. Vous tentez de sauver la face pour l’Europe en obtenant une confirmation officielle de l’incurie de Renault-Fiat. Avec ce que je vous ai amené comme information vous devriez avoir de quoi redresser la barre. Vous nous devez 11 000 nuyens chacun Monsieur Dupont.

– Voilà mon père. Vous savez tout. Je tiens à rajouter que Mambala est décédée dans l’assaut qui a été mené pour reprendre la mine. Elle avait choisie de faire équipe avec un chaman du coin drogué au crack. Vous pouvez classer le dossier aux mots clés NCEE/Renraku/Renault-Fiat/Serovick. En espérant que celui là ne serve jamais.